mouvement sans terre

29 nov. 2009

Toulouse : Solidarité avec le Pueple Hondurien contre le coup d'état

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28 nov. 2009

Mouvement des sans-terre du Brésil : une histoire séculaire de la lutte pour la terre

Introduction

Le Mouvement des travailleurs ruraux sans-terres du Brésil (MST) célèbre cette année 25 ans d’histoire. Actuellement reconnu comme l’un des plus importants mouvements sociaux des dernières années en Amérique latine, sa simple longévité et l’amplitude de son pouvoir de mobilisation pourraient être interprétées comme un signe de sa force et de sa capacité d’organisation populaire. Le MST compte aujourd’hui plus de 350 000 familles qui ont vu leur situation régularisée suite à des occupations de terres inexploitées, en construisant des campements qui se multiplient au bord des routes, dans de grandes fermes et surfaces inoccupées. Ce sont ces occupations, organisées par le MST, qui ont ainsi assuré aux paysans démunis ou déracinés l’accès à la terre, et marqué profondément l’image politique du Brésil contemporain. Aujourd’hui, les paysans sans-terres, qui pourraient bénéficier d’une politique de réforme agraire, est estimée à quatre millions de familles. Parmi elles, 100 000 vivent dans des campements organisés par le MST.

Dans le contexte mondial actuel, caractérisé par une économie internationale basée sur une libéralisation croissante du marché et des finances, l’agriculture n’échappe pas à la norme. L’un des facteurs importants de la crise alimentaire de 2007, qui risque de durer encore des années, a été la spéculation sur les denrées alimentaires. La crise énergétique qui menace le modèle de production et de consommation établi, et le rend insoutenable à l’avenir, attribue à l’agriculture une nouvelle fonction. Ce modèle accroît également une crise environnementale dont les conséquences se font sensiblement sentir depuis quelques années. Ces facteurs dessinent une situation qui donne à la problématique agraire et paysanne une dimension et une signification d’une importance que nous sommes encore en train de découvrir. C’est dans ce contexte que l’on doit analyser l’actuel stade du développement du MST, d’autant plus que le Brésil joue un rôle de premier plan dans une conjoncture économique privilégiant la production de monocultures, notamment la canne à sucre pour la production de l’éthanol, l’eucalyptus, le maïs et le soja.

On analysera ici la formation de la structure agraire au Brésil, le processus de concentration de la terre et l’une de ses conséquences, la création d’une population de sans-terres, avant de voir l’émergence du MST dans ce contexte. Le Brésil est l’un des pays à la plus grande concentration de la propriété foncière au monde : 73,7 % des paysans, petits propriétaires, disposent de 12 % de terres, pendant que 0,8 % des paysans en possèdent à eux seuls 31,7 %.

Antécédents coloniaux L’héritage esclavagiste

Les problèmes liés à l’accès à la propriété foncière au Brésil ne concernent pas seulement les paysans. Parmi ceux qui sont touchés par la concentration foncière et sont fréquemment expropriés de leurs terres, on pourrait citer les communautés d’anciens esclaves – comunidades quilombolas, les populations et les réserves indigènes, ou encore des populations tradionnelles comme les Quebradeiras de Coco de babaçu - un groupe de femmes qui s’occupent de l’exploitation de la noix de coco de babaçu. Une grande partie de ces problèmes trouvent leurs racines dans la période coloniale, dont on retrouve encore aujourd’hui des traces, qui se conjuguent avec le développement des formes les plus modernes de l’économie internationale.

Le premier aménagement du territoire brésilien planifié par la couronne portugaise établissait une division du Brésil en régions appelées « capitaineries », dont le titre d’exploitation était attribué à des Portugais, dans des zones parfois plus vastes que le Portugal même. Ce titre garantissait à ses détenteurs le droit de désigner des autorités administratives, des juges et d’organiser la redistribution des terres. Ce système avait la particularité d’accorder un droit d’utiliser la terre et d’en récolter les profits, de façon héréditaire, mais n’accordait pas de droit de propriété individuelle sur la terre, qui restait propriété de la couronne.

Ce modèle, sauf quelques exceptions, comme la capitainerie de Pernambuco et São Vicente, a complètement échoué économiquement et comme moyen de colonisation du territoire, mais il a jeté les bases du système de production agricole colonial. Celui-ci était centré sur la production à grande échelle, destinée à l’exportation vers le Portugal, et basé sur un régime de travail esclavagiste. Cette production agricole était caractérisée par la monoculture, ayant pour conséquence des problèmes de sous-alimentation. Au point de mettre en danger le processus colonial, et d’obliger la couronne à prendre des mesures spécifiques pour assurer la production alimentaire pour la population de la colonie. L’indépendance du pays, promulguée en 1822, n’a pas changé cette structure foncière, ni les bases de ce modèle de production. Contrairement à la plupart des pays d’Amérique latine qui ont acquis leur indépendance à la même époque et ont institué un régime républicain, le Brésil a conservé la monarchie, la propriété de la terre par la couronne, désormais brésilienne, et la production centrée sur l’esclavage.

L’année 1850 représente à cet égard un moment décisif. L’interdiction par l’Angleterre du trafic d’esclaves a affecté le cœur du système de production brésilien. L’abolition de l’esclavage, défendue par quelques secteurs de la société brésilienne, notamment les républicains, se heurtait encore à une grande résistance de la part des grands propriétaires fonciers. Cette même année, pour faire face à la menace que représentait l’inévitable fin de l’esclavage pour la forme de production alors en cours, le sénateur Vergueiro, grand producteur agricole de São Paulo, a fait promulguer la Lei de Terras N° 601 de 1850, première loi relative à la propriété privée de la terre au Brésil. Cette loi précise, dans son premier article, que « sont interdites les acquisitions de terres devolutas par autre titre que celui d’achat ». Les terres devolutas désignent toutes les terres qui ne sont pas utilisées pour l’exploitation agricole, n’appartiennent pas à des domaines particuliers et qui de ce fait sont dévolues à l’Etat. Toutes les terres n’ayant pas été régularisées comme propriété privé demeuraient ainsi propriété de l’Etat.

Ces terres représentaient une surface énorme à l’époque, étant données les limites de la colonisation et même la faiblesse démographique du pays. Une importante partie des terres du pays étaient inexploitées. En en faisant une propriété de l’Etat, en exigeant qu’elles soient achetées pour qu’elles puissent être occupées, cette loi interdisait aux esclaves qui seraient bientôt en liberté d’accéder ces terres. C’était une forme de privatisation de la terre qui garantissait aux propriétaires privés leurs droits, une main d’œuvre abondante et donc des profits substantiels.

Libérer l’homme Esclavagiser la Terre

Comme le sociologue brésilien José de Souza Martins, on peut interpréter cette loi de 1850 comme une loi ayant « esclavagisé » la terre pour libérer l’homme. Le Brésil est le dernier pays à avoir aboli l’esclavage, en 1888. L’esclave, une fois en liberté, n’avait pas pour autant accès à la terre légalement. Cela n’a pas empêché un intense mouvement d’occupation des terres exploitées les plus éloignées, par des esclaves qui étaient les premiers « sans-terre » à avoir occupé des terrains sans titre juridique reconnu. A ces esclaves s’est jointe une partie de la population brésilienne, des hommes libres, petits paysans pauvres, qui habitaient de petits villages, mais qui n’ont pas pu régulariser leurs terres. C’est aussi à cette époque que naissent les bidonvilles – favelas – du Brésil contemporain. Une partie de cette population a voulu rester près des villes, et a occupé les terres des environs de la même façon, sans l’accord de la couronne. Les études de l’historien Caio Prado Junior indiquent que, sur huit millions d’habitants en 1850, le Brésil comptait 2,5 millions d’esclaves (et 1,5 millions d’Indiens en 1800 selon l’anthropologue Darcy Ribeiro). L’application de la « Loi des Terres » nécessitait une procédure de régularisation à laquelle une énorme partie de la population brésilienne n’était pas préparée. La faiblisse de ces processus de régularisation est à l’origine de litiges qui perdurent encore aujourd’hui. Par exemple, une pratique de falsification de titre de propriété connue par le nom de grilagem au Brésil provient d’une lacune de cette loi. Les grileiros font de faux titre que remontent à l’époque antérieure à la loi de 1850 et demandent à l’Etat de les régulariser. Or, les terres revendiquées sont parfois habitées par des communautés de paysans, d’Indiens ou de descendants d’esclaves. On pourrait en trouver un exemple avec l’actuelle Mesure Provisoire MP 458/09, promulguée en 2009 par le gouvernement brésilien. Cette mesure régularise une surface de 67,4 millions d’hectares (ha) en Amazonie. Parmi ceux qui font les démarches de régularisation auprès de l’Etat, on trouve certes des milliers de paysans qui ne possédaient pas les titres de leur exploitation, mais également des grand propriétaires qui ont occupé d’immenses surfaces tout en établissant de faux titres, puisque ces terres étaient inexploitées. C’est ainsi que, sur 67,4 millions d’ha, 72 % font partie de propriétés de plus de 1 500 ha…

La réforme agraire sous contrôle militaire

L’histoire de la lutte pour la terre au Brésil s’accélère à la fin des années 1950. La question agraire s’impose dans le débat public, allant de l’Eglise catholique conservatrice aux partis de gauche. La « menace communiste » en Amérique latine, dans le contexte de la guerre froide, était associée aux problématiques paysannes et à la mise en œuvre d’une reforme agraire. Programme politiques et théories économiques pointaient la structure agraire comme obstacle au développement du pays. Cette structure était formée par de grandes surfaces nommée latifundios, marquées par un faible développement technique, peu productives, insuffisantes pour nourrir des urbains de plus en plus nombreux. Ce faible développement retenant un grand nombre de travailleurs agricoles, au détriment de l’industrie, et entretenait le système fermé des fazendas, où des paysans étaient soumis à des relations de travail non salariales. Ces facteurs constituaient un obstacle au développement du marché intérieur pour la production industrielle. La fonction de l’agriculture était au centre des programmes politiques de développement et la réforme agraire apparaissait comme une mesure nécessaire pour résoudre une part des obstacles à la modernisation du pays.

Sur la scène politique, la question prenait de l’importance à mesure que se formaient des mouvements paysans inédits, recrutant parmi les nombreux paysans expulsés des fermes où ils travaillaient. Parmi les paysans, on distingue les meeiros, qui payaient la moitié de leur production comme loyer de la terre, les parceiros, qui payaient la location de la terre en produits sur des proportions variées, ou encore les arrendatários, qui payaient en espèces. Différents mouvements paysans, qui se formaient dès la moitié des années 1950, aux propositions spécifiques, se sont rassemblés en 1961, au Congrès National des paysans et travailleurs agricoles. Parmi ces organisations on trouve les Ligas Camponesas, formées et agissant principalement dans la région du Nordeste, l’União Nacional de Lavradores e Trabalhadores Agricolas do Brasil - ULTAB, de caractère syndicale et proche du Parti communiste, ou encore le Movimento Sem Terra - MASTER, qui a mené les premières actions au Sud du pays. Ces organisations dénonçaient l’extrême concentration des terres et proclamaient la devise « La terre à ceux qui la travaillent ».

Le 13 mars 1964, le président João Goulart réalisait à Rio de Janeiro, devant plus de 200 000 personnes, son célèbre meeting de la Central do Brasil, au cours duquel il annonçait la réalisation de la réforme agraire au Brésil. Quelques jours après le pays était victime d’un coup d’Etat. Le nouveau gouvernement militaire interdit toute forme d’organisation sociale, en particulier les syndicats et les mouvements sociaux alors en pleine expansion. Contradictoirement, les militaires ont adopté la Loi n°4504, le document connu par le nom d’Estuto da Terra, la première loi de réforme agraire du pays. Ce document établissait les conditions d’expropriation de terres sous-utilisées et soumettait la propriété de la terre à une fonction sociale, demandait la réalisation d’un cadastre de toutes les terres du pays et, entre autres, créait les institutions responsables de la distribution des terres expropriées. Si le gouvernement militaire a adopté cette loi c’est en partie parce qu’elle permettait la mise en œuvre des orientations des Etats-Unis à travers le programme Alliance pour le Progrès. Cet ensemble de mesures de collaboration économique pour le développement avait pour objectif de faire face à l’influence de la révolution cubaine sur le continent, et d’éviter que les paysans s’allient aux courants révolutionnaires qui faisaient de la question agraire une priorité.

Finalement, la dictature militaire a abouti à une forme de modernisation de l’agriculture sans changement de la structure foncière. Bénéficiant d’importants investissements de l’Etat, la modernisation de l’agriculture s’inscrivait dans le modèle international de la Révolution Verte, basé sur la mécanisation et le recours aux intrants chimiques. Encore une fois, des milliers de paysans ont été expulsés, alimentant l’exode rural et se réfugiant dans les périphéries urbaines.

La formation du MST

Le coup d’Etat avait bloqué un processus considéré comme l’un des plus importants pour la vie démocratique dans l’histoire du pays, basé sur la mobilisation sociale. Le MST, formé à la fin de la dictature au Brésil, reprend cette conception et l’actualise dans un autre contexte et avec sa forme propre. La fin de la dictature était accompagnée d’un renforcement du mouvement social. Le syndicalisme brésilien venait alors de retrouver sa force de mobilisation. La lutte des ouvriers de São Paulo avait occasionné la première vraie fissure au sein du régime dictatorial. Cette lutte des ouvriers s’ajoutait à la forte présence d’une partie de l’Eglise brésilienne, très active socialement et marquée par la Théologie de la Libération. L’Eglise soutenait les luttes des paysans via la « Commission pastorale de la terre », créée en 1975, et intervenait dans les milieux urbains par l’intermédiaire des communautés ecclésiastiques de base qui rassemblaient des centaines de milliers de personnes dans tout le pays. De ce contexte renaissait l’espoir qu’une action collective et massive amène des changements.

Pendant la dictature, avec la modernisation agricole, une nouvelle phase d’occupation de terres avait commencé. Toutefois, en l’absence d’une coordination plus large, leur influence était limitée, laissant les mains libres aux grands propriétaires et à leurs milices privées pour les éliminer. C’est en 1979 qu’un groupe de paysans dans le Sud du pays, a réalisé les premières occupations de terres qui marqueront la naissance du MST, créé officiellement en 1984. Le choix des occupations massives avait pour but notamment de s’opposer à la violence. Ces occupations se font sur des grandes fermes parfois complètement inexploitées, parfois utilisées pour la spéculation, parfois détenues uniquement pour le statut et le pouvoir politique qu’elles confèrent.

La chute de la dictature s’accompagne de l’élaboration d’une nouvelle constitution brésilienne. Le MST et d’autres mouvements et syndicats ont travaillé activement dans ce cadre à la construction des propositions de reforme agraire. Approuvée en 1988, elle instituait que toutes les terres doivent avoir une fonction sociale. Et que les terres inexploitées peuvent être utilisées pour la réforme agraire. Les opposants à cette réforme se sont alors organisés et renforcés, par exemple la União Democrática Ruralista – UDR, qui menait des actions armées contre les pays, la Associação Brasileira de Agrobussiness et la Frente Ampla de Agropecária Brasileira. Ces groupes de pression ont contribué à freiner les avancées de la nouvelle constitution, en garantissant aux grands propriétaires qu’il n’y aurait pas de changement de la structure foncière. Ces organisations ont pu s’appuyer sur une majorité parlementaire pour défendre leurs intérêts. Exemple emblématique : dans l’Etat du Mato Grosso, le gouverneur est le plus grand producteur de soja du pays…

L’organisation au centre du projet En 1984 a lieu la première rencontre nationale du Mouvement des paysans sans-terres, avec des représentants de treize Etats du Brésil. Le Mouvement a développé une organisation solide en relation étroite avec ses formes d’actions, basées sur une large participation. Les occupations se déroulent en famille, les campements constituent un modèle d’auto-organisation, le lieu de création d’une forme de sociabilité centrée sur la coopération, la solidarité et l’émancipation. Les activités y sont coordonnées par secteur comme par exemple l’éducation, la formation, la production, la culture ou la santé.

L’éducation est depuis toujours un secteur fondamental pour le MST, qu’elle concerne l’alphabétisation, la formation technique ou encore la formation politique. Des écoles sont systématiquement construites dans les campements, soit 2 000 écoles ayant accueilli quelque 200 000 enfants. Plus de 50 000 jeunes et adultes ont également suivi des programmes d’alphabétisation. Enfin, un programme spécifique et une dizaine de cours de niveau universitaire ont été développés, en partenariat avec des universités publiques, pour les paysans et les habitants des zones rurales, qu’ils soient membres du MST ou d’autres organisations paysannes liées à Via Campesina. Un projet de réforme agraire ne peut plus, aujourd’hui, se cantonner à la distribution de terres. Il doit intégrer des politiques de production agricole, d’éducation et de protection des droits sociaux, en garantissant à chacun les moyens de vivre en zone rurale.

Dans le domaine de la production agricole, le MST essaie de créer les conditions pour une production biologique, en harmonie avec l’environnement. Il dispose aujourd’hui de 79 coopératives de production, 50 de commercialisation, 28 pour l’assistance technique et quatre en charge de l’octroi de crédits. Des programmes de renforcement des capacités techniques ont été mis en place, tenant compte des spécificités régionales et environnementales du pays. Enfin, un centre de production de semences biologiques fournit les graines aux paysans.

Afin de comprendre les évolutions des rapports sociaux et des contextes politiques, le MST a créé l’Escola Nacional Florestan Fernandes, conçue comme une université populaire des mouvements sociaux, devenue une référence des activités de formation politique développées depuis longtemps par le Mouvement dans des centaines de centres de formation dans tout le pays.

Les défis pour l’avenir

Le processus de concentration de terres et d’expropriation de paysans au Brésil a franchi une nouvelle étape. Aujourd’hui, la production agricole est contrôlée par des groupes industriels qui disposent d’immenses capitaux pour investir dans l’agriculture. L’entreprise brésilienne Cosan, le plus grand producteur de canne à sucre au monde, compte parmi ses actionnaires les entreprises Cargill, Tate & Lyle, Cristal Sev. Contrôlant une surface de plus de 550 000 ha de terre en 2008, l’entreprise a élargi ses actions grâce à l’entreprise Radar Propriedades Agrícolas. Utilisant un système de haute technologie, à l’aide de radars, son objectif est d’acheter un maximum de terres pour les revendre plus tard, en raison de leur valorisation liée à l’augmentation de la production de soja, coton, maïs et eucalyptus.

L’entreprise brésilienne Aracruz Celulose contrôlait à la fin de 2008 plus de 540 000 ha. Ses actionnaires sont la BNDES, banque de développement de l’Etat brésilien, la banque privée Safra, et la société britannique Newark Financial Inc, basée dans le paradis fiscal des Îles vierges. Aracruz Celulose a eu des litiges dans l’Etat de l’Espirito Santo, où elle a été obligée de restituer plus de 13 000 ha à des tribus indigènes. L’entreprise avait « acheté » ces terres à l’aide de faux titres de propriété, établis en fonction des terres non répertoriées au cadastre dès l’époque coloniale.

La concentration des terres se fait aujourd’hui par ces grandes entreprises liées au secteur financier, avec pour armes le capital de banques et de fonds d’investissement. Ce complexe économique utilise la terre pour des monocultures tournées vers l’exportation qui dégradent l’environnement. Le prix des terres augmente sans cesse dans les zones où celles-ci sont les meilleures et les infrastructures les plus développées. Les terres devolutas au Brésil, qui n’avaient pas de titre de propriété, en grand partie inexploitées, auraient dû être utilisées pour la reforme agraire, comme le préconisait la Constitution de 1988, mais elles sont de plus en plus concentrées entre les mains des entreprises de l’agro-business.

Pour faire face à cette situation et développer un mode de production favorable aux paysans, à la société et plus largement à l’équilibre écologique de l’écosystème, le MST est convaincu de la nécessité de renforcer l’organisation sociale. Les changements ne viendront pas de secteurs particuliers de la société, ni des paysans tout seuls mais de l’articulation de l’ensemble des acteurs sociaux, au niveau national et international.

Photographies de Mariana Pessah

Source : http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?page=article&id_article=823

23 nov. 2009

Appel toulousain contre le coup d’état au Honduras

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Au Honduras, pays d’Amérique Centrale, se joue en ce moment le destin de toute l’Amérique Latine, et peut-être même au-delà ….

Le 28 Juin 2009, L’armée hondurienne a évincé du pouvoir Manuel Zelaya, président constitutionnel du Honduras, suite à sa tentative d’organiser une consultation ouvrant la possibilité d’organiser un référendum afin de réformer la constitution, en partenariat avec des organisations de la société civile.

Samedi 28 Novembre à 14h00

Place du Capitole, Toulouse.

(Lire la suite…)

15 nov. 2009

Brésil: comprendre le mouvement des Sans Terre

De notre point de vue, le Mouvement des Travailleurs Ruraux sans Terre (MST) est le plus important mouvement social du Brésil contemporain. Le MST est né en 1984, à l’initiative de travailleurs ruraux liés à l’Église Catholique. Selon des données de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), organe lié à un ensemble de d’Églises chrétiennes, il existe actuellement, environ 300 mille familles vivant sous des bâches en plastique au bord des routes. Les travailleurs installés dans les campements ne font que révéler le visage militant du cri de justice du MST. Mais si nous approfondissons les statistiques existantes, la situation réelle est beaucoup plus dramatique.

Le Brésil possède 600 millions d’hectares de terre cultivables. Toutefois, 2% de propriétaires ruraux sont propriétaires de 48% des terres cultivables. Des grands propriétaires possèdent des extensions supérieures au territoire de pays comme la Hollande et la Belgique.

Selon l’Atlas Agricole de l’Institut National Colonisation et Réforme agraire (INCRA), « il existe 3.114.898 propriétés rurales enregistrées dans le pays, lesquelles occupent 331.364.012 d’hectares. De ce total, les petites propriétés représentent 62,2 % avec 7,9 % du secteur total des terres. A l’autre extrémité on observe que 2,8 % des propriétés sont des grandes propriétés qui occupent 56,7 % du secteur total ».

Sur la base de cette information, la Commission Pastorale de la Terre conclut : « Malheureusement, le Brésil détient le triste record de la deuxième plus grande concentration de la propriété agricole, dans toute la planète ».

Un tiers de la population brésilienne vit sous la ligne de pauvreté, avec un revenu mensuel inférieur à 60 dollars. Un huitième de la population vit sous la ligne de l’indigence, avec un revenu mensuel inférieur à 30 dollars.

Une grande partie de ces exclus ont été expulsés de la terre :

a) Par la force des grands propriétaires qui étendent leurs domaines ;

b) Suite aux barrages construits sans prêter la moindre attention à ceux qu´on expulse de leurs terres ;

c) Enfin, en raison des extorsions des intérêts bancaires qui transforment le petit propriétaire rural d’hier en un être sans référence et sans horizon, condamné à déambuler dans les rues de la ville, ou à renouer avec le rêve de vivre dans les campements des travailleurs sans terre.

La Confédération Nationale de l’Industrie a mené une enquête sur les sentiments de la population au sujet du MST. Le degré d´acceptation et d´approbation du MST, au sein de l’opinion publique, mérite notre attention :

85% des sondés soutiennent les occupations de terre, réalisées sans violence ni décés ;

94% considèrent juste la lutte du MST pour la réforme agraire ;

77% considèrent le MST comme un mouvement légitime ;

88% disent que le gouvernement devrait confisquer les terres improductives et les redistribuer aux sans-terre.

Les marches du MST, à leur avis, sont des marches de lutte par la Justice, des marches civiques pour le salut national.

Alors que l´exode de la campagne vers la ville surprend dans un pays qui, par son immense extension de terres, possède une vocation agricole, le MST propose la migration de la ville vers la campagne.

Je vois de grandes lignes de poésie dans ce mouvement : migrer de ce qui ôte tout espoir à l’espoir, de l’exclusion à l’inclusion, de la condition d’apatrides et d’abandon social à la condition de constructeurs d´une mère patrie, aimante, pour tous

Oui, nous devons briser l’image fausse qu´on veut coller au MST. Celle d´un ’« ennemi social ». Refuser qu´on fasse passer une lutte légitime, qui doit mériter notre appui et notre sympathie, pour une mutinerie de rebelles.

De la même manière il est bon d´éclaircir cette idée parfois généralisée, selon laquelle la réforme agraire ne ferait que “redistribuer la pauvreté dans les campagnes”. Les faits portent à des conclusions diamétralement opposées.

Le Forum National pour la Réforme agraire et la Justice dans les Campagnes l´a clairement exprimé : « Malgré tous les obstacles, l’agriculture familiale représente aujourd’hui 80% de l’approvisionnement des produits qui composent le panier alimentaire essentiel et emploie presque 90% de la main d’oeuvre dans les campagnes.

« La petite propriété produit un emploi tous les 5 hectares tandis que la grande propriété a besoin de 223 hectares pour produire un emploi. (...) Quand on observe le chômage et la détérioration de la qualité de la vie dans les centres urbains brésiliens, vivre dans les villes est de plus en plus indéfendable. Dans ce contexte, la réforme agraire est l’élément central d’une nouvelle direction pour le développement au Brésil ».

João Baptiste Herkenhoff est enseignant de l’Université Fédérale de Espirito Santo et membre émérite de la Commission Justice et Paix de l’Archevêché de Victoria

Source : Brasil de Fato

Traduction : Thierry Deronne, pour www.larevolucionvive.org.ve

11 nov. 2009

Photos Latino-docs

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5 nov. 2009

Déçus par Lula, les sans-terre ne lâchent rien

par Lamia Oualalou


Pour une fois, l’orage est bienvenu. La terre si souvent craquelée
sous le soleil du Pará, dans l’Amazonie brésilienne, est devenue
boue. Une aubaine pour le groupe de jeunes membres du
Mouvement des travailleurs ruraux sans terre, plus connu sous
l’abréviation MST. Ils doivent préparer une «mistica », une cérémonie
en l’honneur de ceux qui sont tombés au combat pour la
terre. Nous sommes sur la route d’Eldorado do Carajás, un village
du Pará, là où, le 17 avril 1996, la police militaire a tué à bout
portant dix-neuf paysans sans terre qui réclamaient de meilleures
conditions de vie.

Rescapé, Miguel Pontes, la quarantaine, se souvient : « Les flics
sont arrivés, ils ont commencé à tirer en l’air, nous n’avons pas
bougé, jamais nous n’aurions pensé qu’ils étaient près à nous
tuer. » La troupe fait feu, visant en priorité les jeunes hommes
aux allures de chefs. Miguel s’effondre, une balle dans la jambe.
Malgré le temps, la douleur est intacte. Il s’en tire bien. Hormis
ses dix-neuf compagnons tués, de nombreux blessés ont été
contraints de subir une amputation. La plupart attendent toujours
une indemnisation de la justice. Quant aux donneurs d’ordre de
la hiérarchie politique et policière, ils sont libres. Leurs avocats
ont multiplié les appels en attendant qu’ils atteignent 70 ans, âge
auquel ils ne pourront plus être emprisonnés.

Treize ans plus tard, à Eldorado do Carajás, des adolescents, le
corps enduit de boue, comme surgis de terre, entament la cérémonie,
sur les lieux de la fusillade, là où la route fait un «S».
Ils investissent une arène faite de dix-neuf troncs de châtaigniers
brûlés. C’est un artiste qui les a récupérés, usant de leur force
symbolique. En théorie, il est interdit de couper cet arbre, représentatif
de cette région d’Amazonie. Les éleveurs et grands
propriétaires détournent la loi en brûlant la terre. Le châtaignier
reste debout, mais meurt. Il n’est plus qu’une carcasse dans le
paysage. Au bout de quelques minutes, d’autres jeunes paysans
entrent en scène, une rose rouge à la main. Ensemble, ils se recueillent,
avant de déclamer : «Les puissants peuvent tuer une,
deux, même dix roses, mais ils ne peuvent empêcher l’arrivée du
printemps .» Une métaphore limpide pour assurer que les sans-
terre continueront la lutte. Ensemble, les jeunes plantent dix-neuf
arbres, un pour chaque victime, comme un pari sur l’avenir.

En 1996, le massacre d’Eldorado do Carajás a fait l’effet d’une
bombe, donnant un visage, dans le monde entier, aux sans-terre
brésiliens. Le mouvement était né douze ans auparavant, à Sarandí,
dans le Rio Grande do Sul, l’Etat le plus au sud du
pays, connu pour sa tradition sociale ? c’est sa capitale, Porto
Alegre, qui accueille en 2001 le premier Forum social mondial.
A l’époque, à la veille du rétablissement de la démocratie, les oc


cupations de terre par des paysans sont fréquentes, mais isolées.
Les militants de la Commission pastorale de la Terre (CPT), une
aile progressiste de l’Eglise catholique, commencent à organiser
cette main-d’oeuvre rurale. Ils sont influencés par le mouvement
ouvrier qui a donné naissance en 1980 au Parti des travailleurs
(PT) ? la formation de Lula ? et, trois ans plus tard, à la Confédération
unique des travailleurs (CUT), aujourd’hui la principale
centrale syndicale du pays.

Un prête-nom possède des terres de la surface du Portugal

«Notre objectif était clair », se souvient João Pedro Stedile, principal
porte-parole d’un mouvement qui se targue toutefois de
n’avoir ni chef, ni hiérarchie : «Créer un mouvement de masse
au niveau national, qui puisse se battre pour la réforme agraire,
et pour une société plus juste et égalitaire. »

La revendication prend. Le Brésil est l’exemple le plus caricatural,
en Amérique latine, de la concentration foncière. En 1985,
date du dernier recensement agricole, 35.000 familles (1% de
la population) détenaient 44% de la terre cultivable du pays.
Ces «latifundios », sont le plus souvent acquis de façon illégale,
confisqués par des puissants locaux qui falsifient les titres de propriété.
On appelle ces faussaires les «grileiros », parce qu’à l’origine,
ils contrefaisaient les documents en les plaçant un temps
dans une boîte pleine de grillons. Le papier en sortait taché et grignoté,
témoignage des décennies passées dans un coffre familial.
Il se trouvait toujours un juge pour en reconnaître l’authenticité.

Dans l’Etat du Pará, justement, un certain Carlos Medeiros (numéro
de carte d’identité : 92093-Spp/PA) est ainsi propriétaire,
depuis les années 1970, de 9 millions d’hectares ? la surface du
Portugal. Un héritage de deux cultivateurs portugais, prétendent
ses avocats. L’ennui, c’est que Carlos Medeiros n’a jamais existé.
C’est un prête-nom qui permet à une poignée de propriétaires locaux
de s’approprier la terre publique.

C’est ce type de terres que cible le mouvement des sans-terre. «Ils
choisissent toujours des terres, prétendues privées, mais qui sont
en fait volées à l’Etat, avec la complicité des politiques et des
magistrats locaux, eux-mêmes grands propriétaires », explique
Jean-Pierre Leroy, un Français installé depuis trente ans au Brésil
et qui travaille sur la préservation de l’Amazonie au sein de
l’ONG Fase.

La méthode du MST est toujours la même. Investir une terre qui
devrait faire l’objet d’expropriation par l’Etat, soit parce que son
titre est falsifié, soit parce que la productivité est très basse, et
l’occuper. Les familles montent alors un campement («acampa
mento », dans le vocabulaire du mouvement), qui, lorsqu’il n’est
pas délogé, peut durer plusieurs années jusqu’à l’attribution d’un
titre de propriété. Il se transforme alors en «assentamento », ensemble
de terres cultivées de façon collective, par le biais de coopératives.
Ils le payent cher. Tombés sous les balles de la police
ou le plus souvent de tueurs à gage, plus de 1800 militants de la
réforme agraire sont morts ces trente dernières années. Pratiquement
aucun cas n’a été résolu par la justice.

La principale originalité du mouvement est sa structure, ni parti,
ni syndicat, fondé sur le noyau familial ? c’est un couple qui apparaît
sur le drapeau rouge ? et sa capacité, contrairement aux autres
collectifs paysans, à s’allier à des groupes progressistes citadins
et ouvriers. Le Parti des travailleurs (PT) a ainsi fait de la réforme
agraire, pourtant étrangère à sa nature, une de ses principales revendications.
«L’élément le plus intéressant du MST, c’est son
pari sur l’éducation, de l’alphabétisation à la prise de conscience
d’une société de classes », estime Ariovaldo Umbelino, professeur
à l’Université de São Paulo (USP) et spécialiste reconnu des
questions de réforme agraire.

Le MST, la principale référence sociale du continent

Dans une société dépolitisée depuis l’établissement de la dictature
(1964-1985), où la télévision cultive l’apathie des masses, le MST
tranche en disséminant une culture anti-hégémonique. Il monte
des centaines d’écoles itinérantes qui permettent à plus de 75.000
enfants des paysans sans terre d’être scolarisés. En 2005, il ouvre
sa première université, à une heure de São Paulo, à l’attention de
tous les Latino-Américains. Tous les matins, dans les 23 Etats (sur
26) dans lequel le mouvement est implanté, ses 450.000 membres
revendiqués entament une liturgie, la «mistica ». Comme à Eldorado
do Carajás, ils célèbrent les héros des luttes populaires ? Che
Guevara, Chico Mendes, et d’autres dont la renommée n’a pas dépassé
la ville d’origine ? à travers chants et mises en scène. Pour
le regard étranger, la cérémonie frise souvent le ridicule, mais elle
est perçue comme le ciment de l’identité.

Le MST est devenu la principale référence sociale du continent
sud-américain, à travers son bras international, Via Campesina.
Il envoie des volontaires d’Equateur à Haïti, et il est le principal
producteur de semences biologiques d’Amérique latine. «C’est

qu’avec le temps, le combat pour la terre s’est transformé en combat
contre l’agrobusiness », explique João Pedro Stedile.

En décidant de ne pas seulement tenir tête aux caciques locaux
mais également aux Cargill et autres Monsanto, le mouvement a
vu surgir d’autres ennemis. Au sein même du gouvernement Lula,
pour lequel le groupe a fait campagne en 2002 puis en 2006, plusieurs
ministres jugent la question de la réforme agraire «dépassée
». Les grands groupes agricoles ne sont-ils pas les principaux
exportateurs du pays ? «Malgré ses promesses, Lula a totalement
gelé la réforme agraire », dénonce Ariovaldo Umbelino. En 2007,
moins de 6000 familles ont bénéficié d’exploitations expropriées,
un chiffre ridicule à l’échelle des 60 millions d’hectares de surface
agricole du pays.

Un quart de siècle après sa naissance, le mouvement peine à définir
sa position politique. Déçus par Lula, ses principaux porte-
parole se refusent toutefois à passer de la critique au divorce. Ils
reconnaissent que, depuis que l’ex-métallurgiste est au pouvoir,
l’Etat fédéral a cessé de les traiter en délinquants susceptibles
d’être attaqués par la police ou poursuivis en justice ? plus de 600
procès ont été intentés au MST depuis 1984. La campagne dont
il fait l’objet dans l’Etat du Rio Grande, géré par le PSDB, principal
parti d’opposition ? de centre droit ? rappelle à ceux qui les
auraient oubliées les différences avec un passé pas si lointain. La
gouverneure, Yeda Crusius, n’a pas hésité à recourir aux lois de
la dictature pour poursuivre, au nom de la «sécurité intérieure »,
ses leaders locaux, et vient d’ordonner la fermeture des écoles du
mouvement, les déclarant «illégales ».

Le MST veut croire qu’il tiendra tête. «L’inflation du prix des aliments,
à la mi-2008, a démontré que la grande propriété agricole
n’était pas la solution de la souveraineté alimentaire », assure
João Pedro Stedile. Avec la crise mondiale, c’est, veut-il l’espérer,
tout le système économique qui doit être repensé.