C’est au Brésil, devant la conférence des évêques d’Amérique latine et des Caraïbes, que le pape a affirmé : l’évangélisation des Indiens « n’a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n’a pas imposé une culture étrangère ». Il a, depuis, fait amende honorable. Mais il a malgré tout tenu à souligner « l’œuvre merveilleuse » accomplie « avec la grâce de Dieu » par les évangélisateurs en Amérique latine.
Au Brésil l’évangélisation a été menée de pair avec l’instauration d’une société esclavagiste à grande échelle. Cela concernait les esclaves acheminés depuis l’Afrique noire mais aussi les indigènes réduits en esclavage après la confiscation de leurs terres et la création des « capitaineries héréditaires », immenses propriétés concédées à des aristocrates portugais.
Assez tôt, des esclaves ont pu fuir leur condition et se regrouper dans des zones difficilement accessibles où ils vivaient en communauté, les palmares. L’un d’entre eux, Zumbi dos Palmares, s’est fait connaître en prenant la tête d’une longue révolte contre le pouvoir des capitaines. Né en 1655 au quilombo dos Palmares qui pouvait compter alors quelque 30 000 personnes, il est fait prisonnier encore enfant par un chasseur d’esclave. Le père Antonio Melo qui en reçoit la charge, le baptise Francisco et s’efforce de le faire échapper à « sa condition de sauvage », en l’initiant au portugais, au latin et à la religion catholique. Mais Zumbi s’enfuit à l’âge de 15 ans pour rejoindre Palmares. Intraitable, il refusera de se rendre jusqu’à sa capture et sa décapitation en 1794.
Les sans terre du Brésil célèbrent la mémoire de Zumbi. S’il avait retardé de quelques semaines son voyage et, plutôt que de s’adresser à un cénacle d’évêques d’obédience Opus Dei, avait écouté la foule rassemblée pour le Ve congrès du Mouvement des sans terre (MST), le pape aurait pu comprendre que pour eux, les « bienfaits de l’évangélisation » signifiaient d’abord des siècles de spoliation et de déshumanisation.
Lula avait promis une profonde réforme agraire. Après sa première élection il s’est seulement engagé à distribuer 400 000 parcelles. Il prétend aujourd’hui avoir pratiquement atteint cet objectif mais le MST dénonce un tour de passe-passe : alors que la réalité se chiffre à 40 000, le gouvernement inclut dans son décompte des exploitations depuis longtemps distribuées mais qui viennent seulement d’obtenir un titre de propriété. Le MST estime à 230 000 le nombre de familles installées dans des campamentos au bord des routes, en attente de se voir attribuer une parcelle.
A cette lutte pour la terre, toujours aussi actuelle – 1 % de la population possède encore 46 % des terres cultivables –, le MST entend associer la lutte pour une autre agriculture. Après le soja et le coton, le gouvernement Lula s’apprête à légaliser les cultures de maïs transgénique. La production à très grande échelle de cultures destinées aux biocarburants menace de ruiner définitivement la petite exploitation agricole. Plus encore, elle est porteuse de désastres écologiques sans précédent. Des esclaves marrons d’hier aux sans terre d’aujourd’hui, la révolte seule est porteuse d’avenir.
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