"L'Education change l'Homme, l'Homme change le Monde..." Paulo Freire
mouvement sans terre
27 janv. 2007
23 janv. 2007
Les Sans Terre brésiliens accusent l'état d'empêcher la réforme agraire.
Échos du Vème Congrès National du Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre.
Brasília, le 16 juin 2007
Marche des Sans Terre devant la cathédrale de Brasilia. Photo: Julien Terrié.
¨Réforme agraire, pour la justice sociale et la souveraineté populaire¨ c'est le slogan choisi par le Mouvement des Sans Terre pour son Véme congrès national tenu du 11 au 15 juin 2007 à Brasília. "Justice sociale" en opposition aux politiques seulement compensatoires de Lula et "souveraineté populaire" pour plus de démocratie, de souveraineté alimentaire et de luttes anti-impérialistes au Brésil.
Dans le gymnase Nilson Nelson de Brasilia, 17.500 délégués, dont 40% de femmes, toutes et tous élu(e)s par les militants des terres conquises ou encore en occupation par le MST, 181 invités internationaux représentants 21 organisations paysannes de 31 pays et ami(e)s de divers mouvements et entités sont venus discuter des futures tâches politiques du Mouvement et de son positionnement par rapport au gouvernement Lula.
Le seul mouvement qui a su obtenir des victoires significatives face au libéralisme (20 millions d´hectares conquis aux latifundistes en 22 ans de lutte pour la terre) se réunissait pour la première fois en congrès depuis l´élection de Lula. Jusque là, le mouvement des Sans Terre avait pris la position suivante : être en soutien au gouvernement Lula, qui, dans la conjoncture brésilienne, à la place et le pouvoir d´être un gouvernement de dispute face à la classe dominante... L´analyse peut paraître un peu optimiste aux vues de la teneur très libérale des deux dernières campagnes électorales de Lula, pourtant le MST a considéré que les premières années de gouvernement pétiste contribueraient à l´accumulation de force pour le Mouvement.
Les faits leur donne raison. une vague d´occupation massive en 2003 appelée "Avril Rouge" a lancé dans la lutte pour la terre des familles encore hésitantes, la présence de Lula au sommet de l'état inspirant confiance dans la perspective d'une victoire possible.
Cette position politique a permis aussi de pacifier les relations avec le pouvoir (toujours très répressif contre les sans terre) et le Mouvement s´est centré sur une tâche principale: la formation de cadres. Il faut noter qu´un pas énorme a été fait dans en ce qui concerne l´organisation interne du MST et ce congrès à la taille vertigineuse en est la preuve. La période coïncide aussi avec l´ouverture de l´École Nationale Florestan Fernandes (père de la sociologie brésilienne et militant pour la révolution socialiste au Brésil) à São Paulo, véritable usine de formation politique de masse. Le MST a formé, formé, formé... et des cadres politiques ont pu se libérer pour des tâches nécessitant une implication très importante. L' influence du Mouvement s'en est décuplée et on peut le mesurer à trois évènement majeurs:
- La contribution totale du MST à l´organisation du FSM de Porto Alegre en 2005 (jusque là le MST participait au forums alternatifs), avec la venue de Hugo Chavez et la conclusion d´accords bilatéraux MST/gouvernement vénézuélien dans le cadre de l´ALBA sur la formation en agronomie et le soutien politique et humain du MST au Frente Nacional Ezequiel Zamora, mouvement pour la réforme agraire au Venezuela.
- La marche pour la Réforme Agraire de mai 2005, 12.000 Sans Terre ont marché sur 300 kms pour demander à Lula l'application de sa promesse d´installation de 400.000 familles Sans Terre (85.000 en réalité aujourd´hui, selon le MST)
- Enfin, ce Vème congrès du MST, le plus gros congrès jamais organisé par un mouvement social au Brésil. Avec un niveau politique et une quantité d´activités parallèles (culturelles, échanges internationaux, école itinérante, congrès de 1500 jeunes Sans Terre) qui confirme le statut de force politique majeure du MST.
La position "light" du MST permettait aussi, même si la dérive libérale de Lula était déjà prévisible et prévue par le Mouvement, de juger le gouvernement sur ses actes ce qui a facilité l´adhésion de la base des Sans Terre (très favorable à Lula comme la majorité des pauvres brésiliens) aux nouvelles thèses du MST.
Caractérisation du gouvernement Lula
Le lundi 11 Juin, Marina dos Santos (membre de la direction nationale du MST) ouvre le Vème congrès national du MST par un discours qui prends aux tripes les 20.000 personnes assises et donne tout de suite le "la" : "Notre Vème congrès doit être une date dans l'histoire de la classe travailleuse. Une date dans la lutte contre l'impérialisme, une date dans la lutte contre les politiques néo-libérales de ce gouvernement, une date dans la lutte pour une loi limitant la taille des propriétés et une affirmation de l'apprentissage de Florestan Fernandes : ne pas se laisser coopter, ne pas se laisser détruire et obtenir des conquêtes pour le peuple."
Le congrès prends rapidement ses marques et les "misticas" (1) gigantesques avec parfois plus d'1 milliers de personnes représentent la lutte et les espoirs des Sans Terre. Certaines vous tirent même des larmes, impossible de résister, même pour les plus rudes des participants, à cette matérialisation des rêves des militants de cette organisation.
Entre émotion et haut niveau d'interventions politiques, la nouvelle position politique du MST s'est déclinée tout le long du congrès. ¨Qu´elle serait notre position si le président que nous avions soutenu empêchait la réforme agraire, s´il donnait la gestion de la banque centrale du Brésil à l´ancien président de la banque de Boston, s´il soutenait notre pire ennemi l´agro-business qui détruit l´environnement et exploite les travailleurs ruraux, s´il participait à l´attaque impérialiste contre Haïti, s´il privatisait les richesses du peuple brésilien ? [...] Nous devons aujourd´hui résister à toutes les formes de capitalisme et lutter contre ceux qui nous les imposent¨ a déclaré Gilmar Mauro, membre de la direction nationale du MST pendant le débat sur l´analyse de conjoncture.
Pour la première fois, le Mouvement juge non seulement que le gouvernement Lula n´a pas pris l´espace qu´il avait pour transformer la société brésilienne, mais qu´il accompagne l´implantation du libéralisme au Brésil.
Au cours de l´analyse de conjoncture, le Mouvement a laissé une partie de l´introduction à Nalu Faria, seule membre du PT étant intervenue dans les débats du congrès. Elle a défendu la thèse gouvernementale, affirmant que le niveau de vie s'est amélioré avec Lula et que les réformes prévues (grands travaux, réforme syndicale et réforme de la sécurité sociale - toutes rejetées massivement par les mouvements sociaux) allaient dans le sens du progrès social au Brésil. Inutile de dire qu´elle a été courtoisement remuée par les délégués Sans Terre déjà convaincu par l´accusation nécessaire du gouvernement Lula.
Réforme Agraire, réforme transitoire.
João Pedro Stedile a fait la démonstration de l´impasse de la Réforme Agraire dans le cadre actuel. Le soutien de Lula à l´agro-business est la conséquence de sa capitulation face au libéralisme. ¨L´agrobusiness est le mariage entre les multinationales totipotentes sur l´ensemble du marché agricole et les capitalistes agricoles brésiliens¨ a-t-il insisté. Dans ce cadre là, la culture la plus rentable est la monoculture avec le moins de main d´oeuvre possible et garantissant une ouverture sur le marché mondial (soja, canne á sucre) ceci étant aggravé par la perspective du développement des agro-combustibles (que le MST refuse d´appeler bio-carburants).
A la fin de la dictature, le capitalisme industriel aurait eu besoin des paysans, donc d´une réforme agraire pour assurer la production les matières premières et alimenter le marché intérieur, mais les dirigeants de la "redémocratisation" à partir de 1988 n'ont pas appliqué la réforme agraire inscrite dans la constitution tout simplement car ils étaient eux même grands propriétaires terriens. Le nouveau modèle d'agro-business initié par Cardoso (l´ancien président) et promu par Lula à l´avantage pour la classe dominante de ne pas avoir besoin de paysans. D´où, d'après João Pedro Stedile, l´impossibilité de l´application de la réforme agraire dans le cadre actuel et l´appel du MST à unir toutes les forces sociales brésiliennes pour construire un projet populaire, dans le cadre de l´¨Assembleia Popular¨ [2]. Le but de ce front unique est la recherche de la transformation socialiste, chemin emprunté par d'autres peuples latino américain (Cuba, Venezuela, Bolivie, Equateur), ce qui en fait une perspective pouvant mettre en mouvement des pans entiers de la société brésilienne. La réforme agraire est bien vue par le MST comme une réforme transitoire, irréalisable dans le système actuel.
Marche vers le Palais Présidentiel
Le jeudi 14 Juin, sous la chaleur sèche et le soleil rasant d'un après midi au coeur du continent Brésil, les délégués du congrès, accompagnés des militants des alentours, ont occupé de presque tout son long l'Avenida principal... 25.000 personnes se sont retrouvées et ont avancé vers le palacio do Planalto (palais présidentiel) toujours à la façon "Sans Terre", marchant sur 4 files pour faire un effet de masse et montrer sans besoin de discours que ce mouvement est très, très bien organisé. En marchant avec eux, on a pu entendre "Lula, nous allons faire la réforme agraire que tu as promis !" ... "Impérialisme, attention, la révolution approche" ou encore "Bush, Lula hors d'Haïti !!!"
Devant chaque ministère, tous alignés le long de la route, l'orateur du camion sono (piqué à un groupe de carnaval) fustige les projets et réformes du gouvernement Lula. Une longue tirade est prononcée devant le ministère de l'agriculture, "Nous accusons le Ministère de l'agriculture de favoriser un modèle de mort: l'agro-business, d'épuiser nos terres par la monoculture, d'exploiter les travailleurs ruraux et d'affamer notre peuple."
Le cortège atypique et impressionnant amène finalement les délégations de chaque État brésilien sur la place des 3 pouvoirs, juste devant le palais présidentiel, l'Assemblée et le Sénat. Une banderole est dépliée devant les caméras: "NOUS ACCUSONS LES TROIS POUVOIRS D'EMPÊCHER LA REFORME AGRAIRE"... voilà montrée, aux yeux du monde, la nouvelle position du Mouvement des Sans Terre.
Le MST a toujours joué un rôle central dans la recomposition des mouvements sociaux, et le dynamisme de la lutte des classes au Brésil ces 20 dernières années. Son nouveau positionnement face au gouvernement Lula va considérablement influencer les autres mouvements sociaux et doper d´espérance l´Assembleia Popular qui est l´organe le plus crédible pour organiser la contre offensive. Au niveau politique, une partie du PC do B et le PSOL, invité au Congrès en la personne de Plínio Arruda Sampaio excusé mais relayé par João Alfredo, deviennent des partenaires politiques importants pour l´avenir. Mais comme dit le MST dans la carte finale du congrès, ¨ Les vraies transformations sont obtenues par le peuple organisé, nous nous engageons à ne jamais perdre l´espérance¨ ... On y croit toujours avec eux !
Julien Terrié (militant français de la LCR, membre des amis du MST http://amisdessansterre
Tárzia Medeiros (militante brésilienne de la marche mondiale des femmes, dirigeante du PSOL)
Invités par le MST au Vème congrès national du 11 au 15 juin 2007
(2) Le MST a manifesté officiellement sa volonté de créer cette union dans le cadre de l´assemblée populaire - avec l´Intersyndicale, la Conlutas, les pastorales liées à la théologie de la libération critique envers le gouvernement, c´est un signe fort car ils intervenaient jusque là de façon privilégiée dans la Centrale des Mouvements sociaux (CMS) avec, par exemple, des secteurs de la CUT inféodés au gouvernement
11 janv. 2007
Joao Alfredo était à Toulouse
Nous lui avons demandé de faire un petit détour à Toulouse dans son périple, ce qu'il a accepté et nous avons organisé une réunion publique le 24 octobre 2006.
Après le film Descobrimos as raizes, sur le Mouvement des Sans Terre (MST), Joao a développé les grandes contradictions du gouvernement Lula.
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Réforme agraire: Un rapport qui criminalise la lutte pour la terre
Igor Ojeda *
La réforme agraire, placée sous la responsabilité du ministre de la «gauche du Parti des travailleurs», membre du courant Démocratie socialiste (DS), Miguel Rossetto, est un échec. Pire, la vigueur avec laquelle, devant la stagnation d'une des réformes les plus importantes promise par le gouvernement Lula, les grands propriétaires fonciers font montre, selon leur tradition, d'une brutalité accrue et trouvent des appuis importants.
La politique agricole du Brésil – comme nous l'avions indiqué dès la mise en place du gouvernement Lula – est aux mains du riche et puissant secteur de l'agro-exportation. C'est lui qui dicte la ligne.
Cet article reflète l'avancée – sous un gouvernement qui a multiplié en 2002 les promesses aux paysans pauvres et aux sans-terre – de la criminalisation des actions élémentaires de survie engagées par les organisations paysannes. Réd.
Livres à commander sur le MST
de João Pedro Stedile et Bernardo Mançado, traduit par les amis du MST
LES SANS-TERRE DU BRÉSIL
Géographie d'un mouvement socio-territorial de Jean-Yves Martin
MST - construction d'un mouvement social
en Français description du livre de Marta Harnecker
L'ACTION POLITIQUE DES SANS-TERRE AU BRÉSIL
de Bruno Konder Comparato
Livres de Maurice lemoine
Démocratie et Révolution de Georges Labica
EMISSION RADIO CAMPUS SUR LE MST
GERALDO FONTES A TOULOUSE
Ecouter l'interview de Geraldo par indymedia Toulouse
Avant les conférences nous avons diffusé le film "descubrimos as raizes" vous pouvez le visualiser ici (en version real player).
10 janv. 2007
LES MOUVEMENTS SOCIAUX EXIGENT DES CHANGEMENTS DANS LA POLITIQUE ECONOMIQUE DU GOUVERNEMENT LULA
A cette occasion, un groupe d'économistes a lancé à Rio de Janeiro, un « Manifeste des économistes pour une nouvelle politique économique », qui reprend, poursuit et approfondit les revendications déjà portées, avant même que le Brésil ne soit secoué par la crise politique actuelle, par la « Marche nationale pour la réforme agraire », qui s'est déroulée du 2 au 17 mai.
Ces revendications avaient à leur tour été reprises , entre autres points, le 21 juin dernier dans la « Lettre au peuple brésilien » (« Carta ao povo brasileiro »), rédigée par la Coordination des Mouvement sociaux, les réformes dans la politique économique étant considérées comme centrales et préalables à tout autre type de réforme pour la société brésilienne.
A lire aussi : La déclaration politique de la Consulta Popular
AVOIR UN VISAGE POUR EXISTER PUBLIQUEMENT: L’ACTION COLLECTIVE DES SANS TERRE AU BRESIL
Susana BLEIL - article paru en Juin 2005 dans la revue Réseaux
Quiconque se penche sur l’étude de l’action collective a affaire à un « objet » qui s’est auparavant auto-constitué sous une forme visible et intelligible. En ce sens, la question de la visibilité semble indissociable de l’action collective : pour exister, une action collective a dû construire sa visibilité, à la fois pour les acteurs qui y participent directement et pour les publics plus larges qui assistent à sa manifestation. L’action collective ou la mobilisation des citoyens est souvent une manière de rendre visible à un public le caractère inacceptable des situations dénoncées. Il faut tout d’abord que ces situations soient connues, puis reconnues comme méritant qu’on s’y dévoue. Il s’agit d’un processus visant à attirer l’attention d’un public sur un malaise qui pouvait exister précédemment mais qui n’était pas ressenti comme tel. L’action collective trouve sa légitimité à mesure qu’elle parvient à démontrer, par le bien-fondé des revendications, que la situation en question doit non seulement être transformée mais aussi que cette transformation est possible. Lire la suite
SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE
1 janv. 2007
Intervention de Lucia Marina dos Santos lors de "Brésil en mouvements"
Mouvement des travailleurs sans terre : la difficile construction d’un monde nouveau
« Abattre les clôtures du latifundio n’était pas aussi difficile que de combattre les kits technologiques des transnationales », affirme Huli, assis dans sa cuisine, tandis qu’il verse de l’eau chaude dans le maté que nous partageons, et que son jeune fils gambade dans la maison. Il raconte que les paysans organisés dans le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST, du Brésil) ont rêvé pendant des années de conquérir leur terre et croyaient que cela résoudrait tous leurs problèmes : l’alimentation de leurs enfants, une vie digne construite par le travail dur au champs, l’éducation, la santé et le logement. Toutefois, la réalité s’est montrée beaucoup plus difficile, des surprises qu’ils n’avaient jamais imaginées les attendaient.
Huli Zang fait partie de l’une des 376 familles de l’ assentamento de Filhos de Sepé (Fils de Sepé), qui occupe un peu plus de 6 000 hectares de la commune de Viamão, à 40 kilomètres de Porto Alegre, capital de l’Etat méridional de Rio Grande do Sul. L’assentamento, créé en février 1999, est divisé en quatre secteurs ; la forme d’organisation de l’espace de chaque secteur est, ce que les sans-terre appellent, une agrovila (ville agricole) : les habitations sont regroupées dans un secteur et non pas sur la parcelle individuelle de chaque paysan.
Ce regroupement permet aux habitations, solidement construites en bois ou briques, d’être reliées à l’électricité et à l’eau potable, ce qui rend la vie quotidienne des paysans assentados très semblable à celle des habitants des villes. La maison de Huli dispose d’une cuisinière au gaz et une autre au bois de chauffage, un réfrigérateur, un téléviseur et un ordinateur. Un chemin qui part des habitations du secteur les relie avec la ville la plus proche, Viamão, et avec les parcelles individuelles qui font en moyenne 17 hectares chacune.
L’assentamento se trouve à côté d’une réserve sauvage de 2 500 hectares, appelé Bañado dos Pachecos, où atterrissent des milliers d’oiseaux et diverses espèces de poissons et de mammifères. La zone est irriguée par ces marais et convient seulement à la culture du riz. Bien que contiguë à chaque maison, les assentados ont une parcelle suffisante pour cultiver des légumes et des arbres fruitiers, et presque tous ont des poules et quelques vaches laitières. Cela leur permet de satisfaire une partie de leurs besoins en aliments.
Dans l’assentamento se trouve un centre de formation du MST, qui a la capacité d’héberger 120 personnes et dispose de dortoirs, de salles de bain collectives, de salles de conférences, d’Internet et d’un réfectoire. Pendant tout le mois d’août 2006, quelque 80 activistes d’une demi-douzaine de pays ont participé à un séminaire dispensé chaque année par la Coordination Latino-américaine d’Organisations Paysannes (CLOC, Coordinadora Latinoamericana de Organizaciones Campesinas) [1]. Les assentados ont une école où vont 230 enfants de l’assentamento, dans lequel vivent quelque 1.800 personnes.
Terre et riz
Avant de s’installer, les paysans sans terre ont vécu presque quatre années dans un campement au bord des routes, dans des baraques faites de bâches noires, gelées en hiver et asphyxiantes en été. La négociation avec les autorités leur a permis d’accéder à la terre sur laquelle ils vivent aujourd’hui, qui constitue le plus grand assentamento de l’Etat. Une preuve que les assentados ont la volonté de construire un monde nouveau, et pas seulement d’avoir un morceau de terre à cultiver, est qu’ils ont décidé de créer une agrovila. En effet, un certain nombre d’assentamentos ont opté pour construire les habitations sur chaque parcelle individuelle, ce qui engendre des problèmes sociaux et politiques quasi insurmontables. Quand cela arrive, non seulement il devient impossible de fournir les services d’eau et d’électricité à tous les paysans (à cause de la distance entre les maisons), mais surtout la sociabilité devient presque nulle, ce qui augmente l’individualisme proverbial du paysan qui bloque toute tentative pour construire une société différente.
Qui visite une agrovila avec ses belles maisons toutes simples, ses parcelles ensemencées, ornées de fleurs multicolores, et ses animaux domestiques en train de paître et caquetant au soleil, a l’impression d’être dans un endroit bucolique où tout marche sur des roulettes. La réalité est tout autre. L’assentamento Filhos de Sepé fait face à de multiples problèmes, en général dérivés de la crise mondiale de l’agriculture familiale face au développement puissant de l’agro-business propulsé par les grandes multinationales.
Un premier problème provient précisément de l’option pour l’agrovila. Souvent les parcelles individuelles sont éloignées des habitations, parfois jusqu’à 10 ou 13 kilomètres. « Ceci amène quelques familles à cesser de cultiver et à les louer à d’autres assentados », dit Huli, qui n’esquive aucune des questions. Durant les dernières années, pour surpasser cette difficulté qui se présente dans toutes les agrovilas, le MST a conçu un nouveau modèle de campement. On crée des unités entre 15 et 20 familles, dans lesquelles les parcelles individuelles se disposent de manière triangulaire, dont le sommet conflue vers un « centre », de sorte que les maisons soient également proches les unes des autres mais que les parcelles restent très proches des habitations. Ceci suppose de déconcentrer l’assentamento, d’une moyenne de plus de cent familles à des unités qu’on appelle des « noyaux de maisons » qui dans aucun cas ne dépassent les 20 familles.
Mais le problème peut-être le plus grave, provient de la dépendance des multinationales qui leur imposent l’agriculture avec des agro-toxiques. « Monsanto nous apporte le kit technologique : les herbicides, les pesticides, c’est-à-dire des poisons, et ils nous apportent le riz. Avec le temps, nous voyons que nous sommes passés de la dépendance du grand propriétaire terrien qui avait la terre à la dépendance des multinationales qui ont la technologie. Nous arrivons à la conclusion que malgré toute notre lutte, nous n’avons pas avancé, que nous avons lutté durant des années pour nous retrouver sous une nouvelle forme de dépendance, et, en outre, en empoisonnant nos familles et la population qui consomme du riz cultivé de cette manière », dit Huli.
Une lutte sans fin
Pour sortir de ce cercle de fer, les assentados ont opté pour l’agro-écologie. Dans l’assentamento, on cultive quelque 1 600 hectares de manière conventionnelle (c’est-à-dire avec des pesticides), mais ils ont commencé un intense débat interne et sont parvenus à ce qu’un petit noyau de familles puisse commencer à cultiver du riz biologique. L’année passée, 29 familles ont cultivé 120 hectares sans agro-toxique et ont formé l’Association des producteurs de riz et de poissons. Car, en outre, ils profitent de l’abondance de l’eau pour produire des poissons, grâce à quoi ils parviennent à diversifier la production d’aliments. Cette année-là (2005), ils ont produit 6 000 sacs de riz biologique et la production a été commercialisée au profit des goûters scolaires de la commune de Viamão, gouvernée par le Parti des Travailleurs (PT). Cette année, il y a déjà 35 familles qui espèrent ensemencer 150 hectares et produire 10 000 sacs.
Ils ont découvert que la culture biologique de riz est non seulement rentable mais que la productivité par hectare est exactement le double de celle obtenue avec les agro-toxiques. Ils ont récupéré une vieille tradition paysanne qui consiste à préparer la terre pour l’agriculture avec des canards. « Les canards mangent toutes les herbes, ils nettoient le terrain beaucoup mieux que n’importe quel poison agro-chimique et, en plus, ils le fertilisent avec leurs excréments. Nous laissons les canards pendant des mois et ce sont eux qui préparent la terre. Donc, au moment d’ensemencer le riz, on les enlève et on les vend ou on les mange », raconte Huli avec un grand sourire. Avec la production biologique, ils ont leurs propres semences et engrais et, pour produire, ils ne dépendent pas de l’achat sur le marché, outre le fait qu’ils préservent la santé de ceux qui produisent et de ceux qui consomment.
Toutefois, ils doivent faire face maintenant au problème de la certification. Au Brésil, il existe seulement trois entreprises de certifications de cultures biologiques et toutes sont liées aux multinationales. « C’est-à-dire qu’une fois de plus nous nous heurtons au même ennemi », poursuit Huli. Mais ce qui les indigne le plus, c’est que le « certificateur » visite une seule fois par an l’assentamento, leur fait payer des milliers de dollars et ne fait pas le suivi du processus de culture, ce qui fait que tout producteur « biologique » pourrait utiliser des agro-toxiques en dépit du fait de disposer de la « certification ». Pour résoudre ce nouveau problème inattendu, le Mouvement est en train d’analyser la possibilité de créer une équipe de « certification communautaire », ce qui leur permettrait d’échapper aux multinationales.
D’autre part, les assentados se plaignent que les gouvernements fédéral et de l’Etat ne disposent pas de crédits pour la production agro-écologique. En somme, une chaîne de difficultés ; chaque fois qu’ils surmontent un obstacle, ils en trouvent un nouveau et dans le fond, toujours le même problème : le contrôle par les grandes entreprises de technologies agricoles qui leur permet de continuer d’exploiter les paysans. Le développement et le contrôle de nouvelles technologies par les multinationales a rendu possible un nouveau type d’oppression : elles n’ont plus besoin de la propriété des moyens de production, de contrôler le temps et les modes de travail ; il s’agit d’une domination « immatérielle », basée sur la maîtrise du savoir et du marché, comme manière de continuer à accumuler du profit. Huli nous raconte que la production de riz a chaque fois moins de valeur sur le marché, ce pourquoi les 1 600 hectares que cultivent les paysans ne leur permettent même pas de survivre de la terre.
Avant de quitter l’assentamento, nous lui demandons quelles sont les sources de revenus des assentados à Filhos de Sepé. Il y en a trois : les potagers familiaux, le riz, et le travail dans les communes voisines, où les femmes trouvent des emplois comme femmes de ménage et les hommes dans la construction. « Quel pourcentage de leurs revenus obtiennent-ils de chaque emploi ? », demandons-nous. Huli ne peut pas éviter une grimace de tristesse : « Malheureusement, la plupart de leurs revenus proviennent des ménages et de la construction. Ainsi sont les choses ».
La lutte pour la terre se révèle être beaucoup plus complexe que ce que l’on peut imaginer. Peut-être que le grand triomphe des sans terre est que les paysans restent dans l’assentamento et qu’ils ne sont pas allés grossir les périphéries pauvres des grandes villes. Tout le reste est une lutte permanente, interminable. Plus complexe que la lutte pour la terre, puisque le capital a montré sa capacité de se transformer pour continuer à contrôler les mécanismes de domination, et se présente de manière moins palpable, presque invisible. Ceci requiert formation et apprentissage permanents, qui sont devenus des instruments indispensables à la lutte.
Ressources
Luix Costa, « Conmemoración de las Reducciones guaraníticas », 19 février 2006, www.sinpermiso.info.
MST, « O que levar em conta para a organizaçao do assentamento », Cuaderno de Cooperación Agrícola N°10, Concrab, São Paulo, 2001.
RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine
URL: http://risal.collectifs.net/
Source : IRC Programas de las Américas (http://www.ircamericas.org), 19 septembre 2006.
Traduction : l’équipe du RISAL (http://risal.collectifs.net).
Videos
- LONA PRETA - Film sur la Marche de mai 2005 (en portugais, st en italien)
- João Pedro Stedile à Porto Alegre 2005 (en portugais)
- Rencontre Chavez-MST Porto Alegre 2005 (en portunhol)
- Frei Sergio interview (en portugais)
- Don Thomas Balduino FSM 2005 (en portugais)
- Rencontre avec celsio antognoni (en italien)
- Le MST du Pontal (en portugais)
Emissions de radio sur le MST
- A l'occasion de l'Année du Brésil en France, et de la visite du président Lula lors des cérémonies du 14 juillet à Paris, voici deux émissions REPERES sur le Brésil d'aujourd'hui, centré sur les questions du droit à la terre. [1] [2]
- Emissions de Mermet sur le MST (traduction de Maria Do Fetal)
- Emissions de "Vozes da terra" pendant la Marche de 2005 (en portugais)
Descobrimos as Raizes...
Julien Terrié- doc- 2005-France- 26'- VOSTF
Documentaire politico-poétique sur la capacité du mouvement des sans terre à mobiliser les plus pauvres et à influer sur la société brésilienne, à "rendre visibles les invisibles" (Georges Labica). Une "mistica" de retour aux racines, pour un mouvement qui sème l'espoir aux quatre vents.
Film sélectionné au concours de courts métrages du Festival "Résistance" de Foix (09) en 2006
Au Festival "Concours de courts" - Toulouse 2007
Au Festival "Rencontres et Cinemas d'Amérique Latine" - Toulouse 2008
Au Festival "Colores Latinas" - Lille 2008
Dans le "Cycle Cinéma et Droits de l'Homme" du 3e Forum mondial des droits de l'Homme - Nantes 2008
Au colloque "La Nuit des sans terre" de l'ONG Développement et paix - Québec 2008
Télécharger le film (faire clic droit et "enregistrez la cible du lien sous...")
Joao Alfredo était à Toulouse
Joao Alfredo a été élu député fédéral en 2002 pour le PT, après avoir tenter de résister à la politique de lula à l'assemblée il a décidé de rejoindre le Psol d'Heloisa Helena et aussi de rejoindre la IV° internationale, c'est pour cette raison qu'il était de passage en europe, il a aussi présenté son livre issu de son rapport parlementaire sur la réforme agraire depuis Lula.
Nous lui avons demandé de faire un petit détour à Toulouse dans son périple, ce qu'il a accepté et nous avons organisé une réunion publique le 24 octobre 2006.
Après le film Descobrimos as raizes, sur le Mouvement des Sans Terre (MST), Joao a développé les grandes contradiction du gouvernement Lula. Interview:
Puisque tu as été l'avocat du MST, quelle est l'origine du Mouvement des Sans Terre. Pourquoi y a t-il eu besoin au brésil de constituer un mouvement paysan de la sorte. c'est certes dans son nom, mais quelles sont les racines de ce mouvement social?
La nécessité d'apparition du MST est liée a deux problèmes que j'aborde dans mon rapport parlementaire: la conjoncture historique que nous vivons et la taille continentale de notre pays. La formation économique et sociale du Brésil s'est faite sur le "latifundio", la grande propriété de la terre et ce dès la colonisation. Ceci a engendré au cours de l'histoire du Brésil beaucoup de conflits. Certains d'origine religieuse, d'autres que l'on appelait banditisme social (Cangaceiros, Lampião) d'autres liés à des leaders messianiques (Contestados, antonio conseleiro,...) parce qu'en réalité la concentration de la terre a entraîné une concentration du pouvoir très importante de l'élite possédante et bien sûr à coté des situations d'extrême pauvreté, d'injustices intolérables vécues par les paysans sans terre.
Pendant 500 ans, depuis l'arrivée des portugais, il n'y a jamais eu une réelle réforme agraire au brésil , il n'y a jamais eu de démocratisation de l'accès à la terre, bien au contraire. Les différents gouvernements, même après l'indépendance, même les gouvernements républicains avant et après la dictature ont toujours maintenu intact cette structure foncière.
Parmi les luttes importantes pour la terre au Brésil, il y a 50 ans sont apparues dans le Nordeste les ligues paysannes qui ont posé pour la première fois de façon radicale la revendication de Réforme Agraire, un de leur slogan était: "Réforme agraire par la loi où par la lutte". Les ligues ont été accompagnées par la formation des premiers syndicats ruraux qui avaient deux origines: l'église catholique (de la théologie de la libération) et le Parti Communiste Brésilien.
Dans cette dynamique, dans un état du Sud (le Rio grande do sul dont la capitale est Porto Alegre) est née la première organisation de sans terre qui s'appelait le MASTER. Ce fort mouvement social sur la question cruciale de la terre à été une des causes principales de l'organisation du coup d'état militaire de 1964, renversant le gouvernement légitime de l'époque qui commençait à relayer ces revendications populaires. La dictature militaire a duré 21 ans.
Plus récemment, dans les années 80 est née dans le sud, cette très forte organisation qu'est le MST, plus exactement le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre. Ce mouvement a comme base sociale, les paysans avec très peu de terre, les employés des fazendas qui veulent s'émanciper, les paysans atteints par les grands projets notamment de barrages et regroupe autour d'un 1 500 000 personnes. Ce mouvement est surtout fort de l'analyse des échecs des précédentes luttes et pratique les occupations massives de terre. le slogan du MST est "Occuper Résister Produire", Occuper les terres et attaquer la propriété privée sacrée pour le capitalisme, Résister parce que l'élite ne se laisse pas faire et Produire pour construire l'alternative. Le MST est sans aucun doute le principal mouvement social brésilien pour sa lutte pour la réforme agraire, contre les OGMs, pour la justice et les droits de l'homme et pour une démocratie réelle dans notre pays.
Quelle forme a pris ce mouvement? Est-il structuré en réseau, ou selon une forme plus proche du mouvement ouvrier avec une direction, des élus, un comité central, des instances locales ? et quels sont historiquement ses liens avec le PT? Est-il né avec le PT, en parallèle ou comme interlocuteur du PT sur la question de la réforme agraire?
Premièrement, le MST n'a pas une structure de type syndical, avec des fédérations locales puis régionale. Le MST a une forme d'organisation propre, il s'organise à la base dans les installations (terres conquises après occupation) et dans les occupations, il fonctionne en secteurs par exemple celui de l'éducation, de la santé, de la formation politique. les directions d'états (le brésil est un état fédéral) ont une relative autonomie, il y a une direction nationale mais elle n'est pas centralisée du moins au niveau de la prise de décision, (au dernier congres du MST il y avait 15000 délégués des noyaux de base du MST) pour rester au plus près des caractéristiques locales.
Il y a dans le MST des militants du PT et aussi d'autres partis de la gauche brésilienne, mais il n'y a pas de lien automatique, le MST tient à rester autonome des partis politiques mais aussi des gouvernements ou de l'église. Le MST a réussi à rester totalement indépendant et on peut le constater encore aujourd'hui, ils ont par exemple soutenu des parlementaires de partis différents aux dernières élections selon les régions et le contexte et surtout selon leur engagement dans la lutte pour la terre.
Quel bilan fais tu de la politique du gouvernement de Lula et du PT pendant son premier mandat ?
Le bilan est négatif, il y a des petites différences avec le gouvernements antérieurs bien sûr, par exemple une relation de dialogue meilleure pas seulement avec le MST mais avec d'autres mouvements sociaux mais aussi la volonté d'améliorer les conditions de vie dans les installations déjà existantes. Mais au final, le gouvernement a fait des alliances fatales avec l'agrobusiness, le gouvernement ne s'est donc pas affronté aux grands propriétaires ruraux qui aujourd'hui sont organisés dans les grandes entreprises rurales. Ces entreprises ont des aspects modernes du point de vue de l'équipement par exemple mais sont totalement archaïques sur le plan social avec des cas de travail esclave encore aujourd'hui au Brésil et surtout une extraordinaire nocivité pour l'environnement. Cet archaïsme ajouté à la concentration de terre font du brésil le pays le plus injuste du monde avec moins de 2% des propriétaires possédant 48%. Le premier plan commandé par le gouvernement Lula prévoyait l'installation d'un million de famille sur trois millions de familles Sans Terre, cet objectif de début de mandat a été réduit à 400 000 familles et même cet objectif n'est pas rempli après 4 ans de gouvernement. Si bien que l'on compte sur des terres de grands propriétaires, au bord des routes sous des bâches noires 200 000 familles en train d'occuper de la terre sans que le gouvernement ne régularise, je pense vraiment que le bilan de la politique de Lula est négatif.
Plus généralement quel bilan tires tu de ce gouvernement en tant que militant politique au brésil , sur la question du partage des richesses, sur l'accès de tous à l'éducation, à la santé ?
Je pense que d'un point de vue plus général, le bilan est plus négatif que positif surtout par rapport aux espoirs que la société brésilienne mettait en Lula et sur ce gouvernement qui apparaissait comme un gouvernement de gauche. Par exemple, en ce qui concerne l'éducation. Nous avons un déséquilibre entre l'éducation publique et privée. L'éducation publique tout le monde n'y a pas accès, une frange des enfants exclus n'apprennent pas à lire, et plus on avance dans la scolarité plus l'exclusion est large et seuls les classes moyennes et l'élite peuvent suivre un cursus universitaire, le système public est très faible, loin derrière le privé. Le gouvernement Lula a fait une mesure pour créer plus de places en université publique mais seulement en achetant 100.000 places aux universités privées alors qu'il manque en urgence un million de places... Pire les achats se sont fait en exonérant d'impôt les universités privées !
Plus globalement, ce gouvernement en 4 ans de pouvoir à déjà payé 500 milliards de reais en intérêts de la dette. Pendant le dernier débat du second tour opposant Lula et Alckmin, Lula en appelait aux banquiers, disant qu'ils n'avaient jamais gagné autant d'argent que sous son mandat et donc ne comprenant pas pourquoi ils soutenaient encore la candidature de droite de Alckmin !
Lula cherche toujours à se faire accepter par la classe dominante. La politique économique de lula est une politique en continuité avec le gouvernement libéral précédant, celle du FMI et de la Banque Mondiale.
Je comprends bien le fond politique de la rupture avec le PT, mais à partir de quel moment avez vous décidé de quitter le PT et de faire un autre parti ?
le départ de certains parlementaires du PT n'a pas été une décision facile. Au début du gouvernement Lula nous parlions de "gouvernement de dispute" dans la mesure où il y avait une alliance de classe (matérialisée par une alliance de partis de droite avec le PT) nous devions aider à tirer vers la gauche ce gouvernement.
Nous avons évaluer après 3 ans, que cette dispute n'a rien donné car la ligne politique du gouvernement était de plus en plus à droite. La base d'appui du gouvernement à l'assemblée a changé, les partis de droite et de centre droit en sont devenu les piliers. Une autre chose qui pour nous est intolérable est l'intégration dans la pratique du PT de méthodes de corruption (achat de députés d'opposition, détournements de fonds, fraudes électorales) qui ont définitivement enterré la confiance politique que l'on pouvait encore avoir dans cette structure et surtout dans l'ensemble de sa direction qui n'a pas remis en cause ces pratiques.
Certes, le PT n'était déjà plus le parti de la transformation sociale de la révolution socialiste démocratique brésilienne mais il est devenu en quelques années l'instrument d'implantation du modèle libéral, un parti que nous appelons « social libéral ». Le PT a fait en 3 ans le chemin que la social démocratie européenne a fait en 50 ans !
les politiques que l'on appelle « compensatoire » c'est à dire d'assistance aux plus pauvres (11 millions de familles reçoivent 1 dollar par jour; politique inspirée par la Banque Mondiale) cachent les bénéfices extraordinaires de la crème de la crème : les banquiers, les spéculateurs. Et donnent une base sociale importante pour tenter des réformes libérales que même la droite n'a pas osé tenter (réforme des retraites des fonctionnaires, réforme du code du travail, réforme syndicale). Toutes ces réformes par exemple, nous ne les avions pas voter et nous avons décidé de quitter le PT moi et quatre autres députés en septembre 2005 pour rejoindre le Psol déjà constitué suite à l'exclusion de 3 parlementaires du PT en 2003 (dont heloisa helena la candidate du Psol contre Lula).
Nous avons conscience que c'est un lourd défi, ce n'est pas facile, à cause de l'implantation forte du PT, du prestige de Lula à l'intérieur et hors du Brésil mais nous pensons qu'il est nécessaire et urgent de construire un nouveau parti socialiste et révolutionnaire au Brésil.
Plus d'infos sur le Site de JoaoRéforme agraire: Un rapport qui criminalise la lutte pour la terre
Igor Ojeda *
La réforme agraire, placée sous la responsabilité du ministre de la «gauche du Parti des travailleurs», membre du courant Démocratie socialiste (DS), Miguel Rossetto, est un échec. Pire, la vigueur avec laquelle, devant la stagnation d'une des réformes les plus importantes promise par le gouvernement Lula, les grands propriétaires fonciers font montre, selon leur tradition, d'une brutalité accrue et trouvent des appuis importants.
La politique agricole du Brésil – comme nous l'avions indiqué dès la mise en place du gouvernement Lula – est aux mains du riche et puissant secteur de l'agro-exportation. C'est lui qui dicte la ligne.
Cet article reflète l'avancée – sous un gouvernement qui a multiplié en 2002 les promesses aux paysans pauvres et aux sans-terre – de la criminalisation des actions élémentaires de survie engagées par les organisations paysannes. Réd.
Les parlementaires « ruralistes » (un groupe parlementaire représentant les gros propriétaires terriens) de la Commission Parlementaire Mixte d’Enquête (CPMI) de la Terre a réussi ce qui lui tenait le plus à cœur: la criminalisation des travailleurs qui luttent pour un morceau de terre nécessaire à leur survie. Le 29 novembre 2005, le groupe « ruraliste » a adopté par 12 voix contre 1 le rapport parallèle du député Abelardo Lupion (Parti du Front Libéral- Etat du Parana) comme texte final de la commission mise en place en décembre 2003. Avant cela, le rapport du député João Alfredo (Parti du Socialisme et de la Liberté - Etat du Céara) – rapporteur de la CPMI – avait été rejeté par la CPMI de la Terre par 13 voix contre 8.
Le document de Lupion suggère l’approbation d’un projet de loi considérant comme crime abominable l’occupation de la propriété privée et demandant la mise sur la liste des actes terroristes l’occupation de la terre. De plus, ce document sollicite du Ministère Public (MP) la mise en examen de José Trevisol et de Pedro Christóffoli, ex-directeurs de l’Association National des Coopératives Agricoles (Anca), et de Francisco Dal Chiavon, directeur de la Confédération des Coopératives de Réforme Agraire du Brésil (Concrab).
UN AUTRE MONDE
« Ce rapport ne constitue pas une référence, même pour les membres de la CPMI. Ceux-ci demandent la mise en examen d’ex-directeurs de l’Anca et d’un directeur de la Concrab, mais on ne présente aucun fait. Quand les choses ont-elles pris cette tournure? Il n’existe aucune basse objective à leur requête. Ce sont des choses sans pieds ni tête », répond Elmano de Freitas, l’avocat de ces trois directeurs, qui défend l’occupation de la terre en tant que moyen légitime pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il mette en place la réforme agraire. Concernant la caractérisation des occupations en tant qu’actes terroristes, Freitas est formel : « Elle n’est basée sur aucun fondement légal. Ceci est inconstitutionnel. Le concept de terrorisme présuppose une menace contre la vie. Le rapport n’exprime que l’opinion du group des « ruralistes » ».
Le rapporteur de la CPMI de la Terre, João Alfredo, considère quant à lui le texte de Lupion comme étant « une singerie, un retour en arrière de cent ans ». Pour lui, le rapport va à l’encontre de la réforme agraire, dans la mesure où il ne contient aucune analyse de la situation foncière brésilienne, qu’il ne fait aucun bilan des procédures de réforme agraire déjà mises en place au Brésil, qu’il méconnaît la réalité du travail-esclave et qu’il ne cite pas la violence dans les campagnes. « C’est comme si l’on vivait dans un autre monde. Et c’est pire encore du point de vue des propositions », ajoute João Alfredo.
Toujours selon ce rapporteur, le groupe « ruraliste » a été sur-représenté au sein de la commission aux travaux de laquelle il n’a d’ailleurs pratiquement pas participé. « Quand il s’agissait s’en prendreaux dirigeants du MST [Mouvement des travailleurs ruraux sans terre] ou aux personnalités représentant les travailleurs, ils étaient présents. Et ils ont également été présents en masse pour voter le rapport. Mais ils ne maîtrisaient pas le contenu du dossier, ils n’ont fait que voter contre le rapport et approuver le leur », dit-il.
CRIMINALISATION
Selon l’opinion de Romário Rossetto, coordinateur du Mouvement des Petits Agriculteurs (MPA), la CPMI de la Terre a été créée dans l’unique but de criminaliser les mouvements sociaux, en particulier le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST). « Elle est née compromise, irresponsable et anti-éthique. Elle n’a pas fait de travail d’Enquête sur ce qui méritait d’être examiné, à savoir l’Union Démocratique Ruraliste (UDR) qui assassine des travailleurs ruraux, des militants et des religieux », proteste-t-il.
De plus, la première version du document qui fut approuvé par la suite par la CPMI de la Terre demandait aussi la mise en examen de cinq coordinateurs nationaux du MST et recommandait la suspension immédiate des aides fédérales octroyées aux organisations des travailleurs ruraux. Ce sont les sénateurs Eduardo Suplicy (Parti des travailleurs de l'Etat de Sao Paulo) et Heloísa Helena (Parti du socialisme et de la liberté de l'Etat d'Alagoas) qui ont obtenu le retrait de ces points du texte final.
Le rapport de João Alfredo mettait lui le doigt sur la lenteur du processus de réforme agraire, sur la concentration foncière et sur l’impunité, désignant ces trois éléments comme étant les principaux responsables de la violence dans les campagnes et faisait 150 recommandations. Parmi elles, la mise en place effective de mesures figurant dans le Plan National de Réforme Agraire (PNRA), telles que l’installation de 400 mille familles d’ici à 2006, la création d’un cahier des charges contraignant la Police Fédérale (PF) à enquêter sur les organisations qui stimulent et promeuvent la violence dans la campagne, la mise en examen du président de l’UDR, Luiz Antônio Nabhan Garcia, ainsi que des changements au niveau judiciaire permettant l’accélération des procédures ayant trait à la réforme agraire.
PROTESTATION
Après le rejet du rapport de João Alfredo et l’inclusion du texte parallèle dans les travaux de la CPMIde la Terre, le rapporter a quitté la salle, suivi des députés Adão Pretto (Parti de travailleurs de l'Etat de l'Etat de Rio Grande do Norte), Luci Choinack (Parti des travalleurs de l'Etat de San Catarina) et de la sénatrice Ana Júlia Carepa (Parti des travailleurs de l'Etat du Para). Avant cela, Luci et Ana Júlia avait déjà attaqué le rapport de Luipon et Ana Júlia s’est exprimée ainsi : « En tant que sénatrice de l’Etat du Para ayant présidé la commission d’investigation sur le lâche l’assassinat de Sœur Dorothy [une religieuse américaine qui travaillait depuis quelque 20 ans au Brésil avec les paysans pauvres; elle fut assassinée en 2005; le procès qui se déroule actuellement ne débouche sur aucune mise en accusation des grands propriétaires qui ont payé les deux pistoleros arrêtés], et en tant que défenseur de la cause des travailleurs ruraux depuis de nombreuses années, je ne peux que m’indigner. Et je continuerai à le faire. Ce rapport est une incitation à la violence, une ode à l’impunité ».
En même temps que ces événements, le 28 novembre, la Commission Pastorale de la Terre (CPT) a fait sortir à Brasilia le rapport désignant l’Etat du Para comme étant celui où existe le plus grand nombre d’assassinats de travailleurs ruraux dans des conflits autour de la propriété de la terre. Pour le président de cette Commission, l'évêque Tomás Balduino, la CPMI de la Terre n’a pas considéré l’inégalité qui existe au Brésil dans la question agraire et a préféré mettre en examen les dirigeants de la lutte pour la réforme agraire. « C’est plus qu'une démoralisation de la chambre des députés. C’est une institution pourrie, qui n’a plus de raison d’être et qui est néfaste. Elle sert les intérêts particuliers des oligarques ».
Le président de la CPMI de la Terre, le sénateur Álvaro Dias (Parti social-démocrate brésilien de l'Etat du Parana) s’est toutefois engagé à mettre en oeuvre une partie des recommandations faites par le rapport déposé devant le Pouvoir Exécutif. (trad. du brésilien)
* Cet article a été écrit par Igor Ojeda; y ont aussi collaboré Tatiana Merlino et João Alexandre Peschanski. Paru dans Brasil du Fato.